ZIMBABWE: La question est de savoir s’il faut adopter le yuan ou pas

BULAWAYO, 2 fév (IPS) – Des magasins du centre-ville qui stockent des vêtements et chaussures bon marché qui se gâtent après un seul usage, aux concessions d’exploitation minière de platine, d’or et de diamants – la main chinoise est désormais dans presque toutes les affaires au Zimbabwe.

Des trottoirs de la ville aux banlieues à faible revenu, les Chinois sont devenus une partie de la population locale, et si certains bureaucrates supérieurs du gouvernement ont leur voie, le pays pourrait bientôt se trouver en train d’adopter le yuan chinois comme monnaie officielle. Pour certains tsars influents de la politique monétaire, le fait que l'économie zimbabwéenne soit massivement assaillie par les Chinois aujourd'hui a seulement besoin du yuan pour renforcer les efforts de reconstruction économique du pays. Invitée par le président Robert Mugabe dans le cadre de son infâme politique 2004 “Look East” (Regarder vers l’est) pour participer au renforcement de l'économie et à la création d'emplois, après que les relations avec les anciens partenaires d'investissement traditionnels, l'Union européenne et les Etats-Unis, ont tourné au vinaigre, la Chine a pu créer sa propre petite sphère d'influence et établir une présence ubiquitaire au Zimbabwe. Cela, en dépit du fait d'être impopulaire auprès des acteurs industriels et commerciaux du Zimbabwe, et des membres du public en général qui accusent les Chinois de mauvaises pratiques dans le domaine du travail, ainsi que de biens et services de mauvaise qualité. A la fin de 2011, le gouverneur de la Banque centrale du Zimbabwe, Gideon Gono, considéré par beaucoup comme un proche allié du président Mugabe, a annoncé qu'il était pour le fait d'avoir le yuan chinois comme monnaie officielle du pays. Après la suspension du dollar zimbabwéen en 2008, le pays utilise un régime de devises multiples, qui comprend l'utilisation du billet vert américain, du rand sud-africain et du pula botswanais. Selon Gono, le yuan chinois serait introduit aux côtés du dollar zimbabwéen. Des partisans politiques de Mugabe appellent à des réformes monétaires pour ramener le dollar zimbabwéen. “Avec le raffermissement constant du yuan chinois, le dollar américain cesse rapidement d'être la monnaie de réserve du monde et la crise de la dette de la zone euro a rendu les choses encore pires. En tant que pays, nous avons encore la possibilité d'éviter d'être pris au dépourvu en adoptant le yuan chinois dans le cadre de la consolidation de la politique de 'Regarder vers l’est' du pays”, a déclaré Gono aux médias d'Etat en novembre 2011. “Ce n'est que récemment que nous avons eu des révélations surprenantes que l'Angola se propose d’aider son ancien maître colonial, le Portugal, à sortir de sa crise de la dette. Cela peut aussi se produire avec le Zimbabwe si nous choisissons la bonne voie”, a indiqué Gono. Il a poursuivi: “Si nous continuons avec notre politique de “Regarder vers l’est”, bientôt nous nous proposerons aussi volontairement d’aider la Grande-Bretagne à sortir de sa crise de la dette et je ne vais pas attendre le jour de mon créateur avant que cela se produise. Il n'y a aucun doute que le yuan, avec son influence dominante, sera la monnaie de réserve du monde au 21ème siècle”. Les responsables de l’Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique de Mugabe voient un énorme potentiel dans l'utilisation du yuan, citant la croissance de l'économie chinoise sous le groupe BRICS, qui réunit les puissances économiques mondiales émergentes, le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Mais, ce n’est pas tout le monde qui est optimiste par rapport à de telles perspectives. Il y a des inquiétudes que cela pourrait signifier “remettre” le pays aux Chinois qui ont déjà bénéficié d’énormes droits d’exploitation minière auprès de Mugabe malgré les protestations de ses partenaires au gouvernement d’union. Le ministre des Finances du pays, Tendai Biti, a déclaré que Mugabe est en train d’abandonner les ressources de l'Etat à la Chine, que les critiques qualifient de nouveau colonisateur de l'Afrique. L’économiste Eric Bloch a confié à IPS que “ce n'est pas pratique” que le Zimbabwe adopte le yuan chinois. “Le Zimbabwe n'aura pas d'interaction avec les marchés internationaux puisque le dollar américain reste la monnaie de référence dans le commerce international”, a expliqué Bloch à IPS. Avec la Chine qui est de plus en plus vantée de dépasser les Etats-Unis comme la plus grande économie du monde, la tentation d'embrasser toutes les choses chinoises s’est avérée trop forte pour que les économies pauvres à travers le globe y résistent, affirme Tafara Zivanayi, un professeur d'économie à l'Université du Zimbabwe. “Il y a un faux espoir accordé à la croissance économique chinoise, avec plusieurs pays africains imaginant qu'ils peuvent transférer cette croissance à leurs propres économies”, a indiqué Zivanayi à IPS. “Ces décisions (d'adopter une monnaie étrangère) sont généralement basées sur les indices du commerce international et les politiques monétaires du pays où la monnaie est domiciliée. Même s'il y a eu des projections que l'économie chinoise dépassera l'économie américaine, cela ne se produira pas du jour au lendemain”, a expliqué Zivanayi. “Il y a encore des inquiétudes au sujet de la pénétration chinoise des marchés internationaux, en particulier les marchés à faible revenu, créant de la richesse pour elle-même et non pour les pays hôtes”, a déclaré Zivanayi. Même les commerçants, qui ont longtemps ridiculisé les produits chinois bon marché et n'ont aucune connaissance des subtilités du commerce international, se trouvent en train d’offrir des opinions sur les perspectives d'adoption du yuan chinois. “Tant que les choses marchent bien pour nous en utilisant le dollar américain, pourquoi changer cette formule?”, a demandé Thabani Moyo, un conducteur d’omnibus de banlieue. Ses collègues, qui ont du mal à arriver à donner la monnaie dans les devises variées de dollar, de rand sud-africain et de pula botswanais, approuvent d’un signe de tête.