BRESIL: Des réfugiés africains en Amazonie

RIO DE JANEIRO, 16 sep (IPS) – Wilson Nicolas, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), a été le premier réfugié africain à trouver son chemin vers la région de la jungle amazonienne, au Brésil et semble avoir lancé une tendance.

Nicolas (un nom d’emprunt), 56 ans, s’est échappé de la province de l'Equateur dans le nord-ouest de la RDC, en Afrique centrale, fuyant les affrontements entre des groupes ethniques rivaux sur les droits de pêche.

Selon les chiffres des Nations Unies, depuis 2010, quelque 30 réfugiés d'Afrique qui ont demandé l'asile auprès du gouvernement brésilien vivent dans des Etats de la jungle amazonienne. Les demandeurs d'asile viennent de Côte d'Ivoire, du Ghana, de Guinée-Bissau, du Nigeria et de la Sierra Leone, en Afrique de l'ouest, du Kenya, en Afrique orientale, du Zimbabwe, en Afrique australe, et de la RDC.

Nicolas est venu à São Paulo à la fin 2009, suivant un contact qui lui avait promis un emploi quand il fuyait la RDC. De là, il a continué vers Boa Vista, la capitale de l'Etat de Roraima, dans l'extrême nord, où il s’est retrouvé seul, et a découvert que c'était une fausse promesse.

Avec l'aide, il s’est rendu à Manaus, la capitale de l'Etat d'Amazonas, dans le nord, la plus grande ville en Amazonie, et avec l'aide de la 'Pastoral do Migrante', une organisation catholique qui assiste les migrants et les réfugiés, il a déposé une demande d'asile auprès de la police fédérale et du Comité national brésilien pour les réfugiés.

Sa demande a été acceptée en février et il est devenu le premier réfugié africain vivant dans la forêt tropicale du Brésil.

“Nous voyons maintenant un nouveau type de réfugiés en Amazonie”, a déclaré à IPS, Luiz Fernando Godinho, porte-parole du bureau local du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). “Cette région, qui accueille généralement davantage de personnes venues d'Amérique du sud, comme des Colombiens et des Boliviens, a commencé à voir un afflux d'Afrique.

“C'est un changement petit et discret, mais nous avons commencé à le remarquer il y a deux ans”, a-t-il ajouté.

Au téléphone, Nicolas a dit à IPS dans des phrases courtes et saccadées qu'il a quitté la RDC “à cause de la guerre. Même après l'accord de paix (de 2003), il y avait des zones en conflit. A l'endroit où j'étais, il y avait un combat entre deux tribus rivales qui vivaient dans la région”.

En 2009, Nicolas avait été envoyé en tant que spécialiste en géologie par le gouvernement vers la ville de Dongo, dans le nord, près du fleuve frontalier Oubangui, dans la province de l’Equateur, pour organiser la répartition des terres et des vivres.

“Quand nous y sommes arrivés, nous avons essayé d'amener la réconciliation entre les tribus, mais une guerre sur la répartition des terres a éclaté”, a-t-il indiqué. Le conflit s’est intensifié rapidement, impliquant des groupes lourdement armés, et Nicolas a été accusé d'être un espion du gouvernement.

Les violences entre les clans Boba et Lobala se sont répandues dans l’Equateur, et plus de 100.000 personnes ont fui vers les pays voisins, selon le Comité international de la Croix-Rouge.

“Nous avons fui dans la jungle”, a-t-il déclaré. “J'ai marché pendant des jours et des semaines, mes pieds étaient tous gonflés. Il y avait tellement de gens qui fuyaient, des enfants et des mères avec des bébés”.

Ce conflit particulier était juste l’une des nombreuses guerres en RDC, au cours desquelles quatre à cinq millions de personnes ont été tuées depuis le milieu des années 1990.

Les guerres dans plusieurs pays de la région des Grands Lacs en Afrique ont pris la forme d'affrontements ethniques et de génocide, mais ont des racines dans les multiples intérêts internationaux luttant pour le contrôle stratégique des énormes gisements minéraux.

Pendant qu'il se cachait dans la forêt près de la frontière avec la République du Congo, Nicolas a perdu la notion du temps. Et il n'a plus revu sa famille – sa femme, ses enfants et ses frères et sœurs – bien qu’il reçoive de petites sommes d'argent de leur part, afin de l'aider à survivre.

Nicolas parle plusieurs langues: le lingala – une langue bantoue parlée dans le nord-ouest de la RDC – le français, le swahili, l’anglais et le portugais. Mais le mot “saudade” (envie ou nostalgie en portugais) prend un nouveau sens pour lui quand il parle de combien ses proches lui manquent.

“J'ai beaucoup souffert d'être séparé de ma famille”, souligne-t-il. Mais il n'a pas les moyens de voyager, et rien à leur offrir à Manaus.

Il vit avec de l'argent emprunté et avec ce qu'il arrive à gagner en enseignant le français. Et il profite de tout travail temporaire qu'il trouve. Mais comme il n'a pas ses diplômes, pour valider ses études universitaires au Brésil, il n’arrive pas à trouver du travail dans son domaine d'expertise: la géo-informatique et la détection à distance.

“J'espère trouver un emploi et gagner la stabilité dans ma vie”, dit-il.

La région de la jungle amazonienne au Brésil abrite actuellement 140 réfugiés, venus notamment de la Bolivie, et 700 autres demandeurs d’asile de différentes nationalités qui attendent une réponse du gouvernement par rapport à leurs demandes. Le processus dure jusqu’à six mois.