SANTE-RWANDA: Recycler les accoucheuses traditionnelles

KIGALI, 8 oct (IPS) – Deux années passées dans la formation des accoucheuses traditionnelles dans les zones rurales reculées ont permis au Rwanda de réduire le taux de mortalité maternelle du pays, déclare le ministère de la Santé du pays.

Au Rwanda, où près de la moitié des femmes accouchent à la maison, la majorité des accoucheuses traditionnelles sont des praticiennes non-professionnelles qui comptent sur des compétences qui leur ont été transmises par des femmes âgées dans la communauté. Beaucoup d'entre elles utilisent un matériel non stérilisé, faisant parfois à la mère et au bébé plus de mal que de bien. Déjà touchées par la pauvreté, les futures mamans comptent largement sur les accoucheuses traditionnelles, parce qu'elles n'ont pas accès aux services publics de santé, puisqu’elles ne disposent pas des moyens de payer le transport pour se rendre au centre de santé ou l'hôpital le plus proche. Laetitia Mureshyankwano, 42 ans, mère de deux enfants, qui vit dans le district montagneux de Gisagara, dans le sud, affirme qu'elle a donné naissance à cinq enfants avec l'aide des accoucheuses traditionnelles, mais que seulement deux bébés ont survécu à l’accouchement. Comme Mureshyankwano, beaucoup de femmes dans les zones rurales disent qu'elles ont beaucoup souffert lorsqu’elles ont eu des complications avec la grossesse, alors que d'autres parlent de la peur d'être infectées par le VIH à cause de l'insuffisance des mesures de sécurité et d'hygiène. “Bien qu’elles portent des gants et des tabliers pour le processus d’accouchement, nous ne nous sentons pas en sécurité parce que nous ne savons pas si leurs outils sont propres”, explique Mureshyankwano. Elle croit que le programme de formation des accoucheuses traditionnelles, organisée par le gouvernement, a été une bonne initiative vers l’amélioration de la situation des femmes enceintes qui vivent dans des zones reculées. Selon les statistiques du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, en 2008, le Rwanda a annoncé un taux de mortalité maternelle de 750 décès pour 100.000 naissances. Le ministère de la Santé nationale est convaincu que le prochain rapport, attendu en 2011, montrera une forte amélioration par rapport à ce taux. Au cours du sommet sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies à New York, en septembre, le Rwanda a été applaudi pour les “progrès significatifs” qu'il a faits vers la réalisation de l'OMD 5 relatif à l'amélioration de la santé maternelle. “Le gouvernement s'engage à atteindre un objectif de zéro décès parce qu’aucune femme ne devrait mourir pendant l'accouchement”, indique Agnès Binagwaho, la secrétaire permanente du ministère de la Santé, ajoutant qu’à travers le programme de formation des accoucheuses traditionnelles, “cet engagement est devenu une réalité parce que les communautés sont mieux servies”. Pour réduire la mortalité maternelle et infantile, le ministère de la Santé du Rwanda a lancé un programme de formation des accoucheuses traditionnelles, en août 2008, qui leur enseigne les compétences pour administrer des soins infirmiers de base. A travers ce programme, le ministère de la Santé espère aussi remédier à la pénurie généralisée d’agents de santé dans le pays, notamment dans les zones rurales. Le Rwanda compte moins d'une sage-femme pour 10.000 habitants, selon les statistiques du ministère. Les accoucheuses traditionnelles qui n'ont pas suivi le programme de formation, sont officiellement interdites de procéder à des accouchements, mais aident par contre à surveiller les grossesses, à encourager les femmes à obtenir des soins prénatals réguliers et à les sensibiliser sur les problèmes potentiels. Pour aider davantage les accoucheuses traditionnelles nouvellement formées, le ministère de la Santé a également fourni des téléphones mobiles à 432 agents de santé communautaires, qui sont responsables de la santé maternelle au niveau des districts. A travers eux, les accoucheuses traditionnelles peuvent maintenant renvoyer les cas difficiles, les complications ou les situations d'urgence vers le centre de santé ou l’hôpital le plus proche. Le gouvernement a également acheté 67 ambulances, une pour chaque hôpital de district, afin de s'assurer que les femmes enceintes dans les zones éloignées peuvent accéder aux soins d'urgence. Les responsables du ministère de la Santé ont dit qu'ils étaient incapables de révéler le budget mis à disposition pour le programme de formation des accoucheuses traditionnelles et les initiatives connexes. Le ministère de la Santé reconnaît qu'il devra continuer à investir dans les soins de santé maternelle. D’autres services liés à la santé maternelle et sexuelle, tels que le planning familial, auront également besoin d'un coup de pouce. Pour rendre le programme de formation des accoucheuses traditionnelles durable, à long terme, il sera essentiel que les accoucheuses traditionnelles formées reçoivent un niveau de rémunération qui les encouragera à continuer à travailler dans des zones rurales au lieu de chercher des emplois dans les hôpitaux et centres de santé urbains – comme beaucoup d’agents de santé qualifiés l’ont fait dans le passé. Marie Rose Mujawamariya, du district de Kamonyi, situé à une heure de route au sud de Kigali, la capitale du Rwanda, est l'une des accoucheuses traditionnelles qui ont récemment participé au programme de formation organisée par le ministère de la Santé. Elle ne reçoit pas encore de salaire du ministère de la Santé, mais dit qu'elle espère que la formation l’aidera à créer une meilleure source de revenus pour elle-même. Comme ses clients négociaient d'abord les frais à payer pour ses services, Mujawamariya envisage de prélever 10 dollars par accouchement en raison de ses nouvelles compétences. Alors que Mujawamariya aidait les femmes à accoucher sur la base de ce qu'elle a appris de sa grand-mère, elle parle désormais avec fierté de ses nouvelles compétences obstétriques, telles que le contrôle de la position du fœtus pour s'assurer qu’un accouchement naturel peut se produire ou dire quand une assistance médicale est nécessaire. “Je peux désormais aider les femmes à accoucher en toute sécurité”, déclare-t-elle. Mujawamariya affirme: “Cette décision [de fournir une formation aux accoucheuses traditionnelles] donne l'espoir que la santé de la mère et de l'enfant sera prise en charge”.