ZIMBABWE: ''Des sociétés qui rompent les relations toucheront plus les gens moyens''

HARARE, 21 juil (IPS) – Comme les violences d'Etat empirent au Zimbabwe, des économistes dans la capitale Harare ont averti que la rupture des relations économiques internationales avec le pays affectera plus durement le Zimbabwéen moyen.

Des statistiques du ministère des Finances de ce pays d'Afrique australe qui s'effondre, publiées en mai 2008, ont montré que le Zimbabwe est dans une situation de devises désastreuse. Les recettes d'exportation ont chuté de 2,2 milliards de dollars US en 2000 à 1,7 milliard de dollars US en 2006, et à 1,5 milliard de dollars US l'année dernière. Suite aux élections contestées du début de cette année, considérées par plusieurs dirigeants africains, européens et américains comme une "comédie", la demande d'autres sanctions à l'encontre du Zimbabwe devient plus forte. Des pressions ont été exercées sur la société allemande 'Giesecke & Devrient' pour qu'elle arrête d'approvisionner la Banque centrale du Zimbabwe (RBZ) en papier spécial utilisé pour imprimer les chèques au porteur du Zimbabwe. Ces chèques sont une forme de billet à ordre introduit pour essayer de contrer la montée en flèche du taux d'inflation du pays. Le géant du détail britannique Tesco a également annoncé qu'il devait arrêter de rechercher des fournisseurs de haricots frais et petits pois du Zimbabwe tant que la crise politique continuerait. Les démarches de ces entreprises internationales s'inscrivent dans le cadre des dernières mesures prises par des gouvernements occidentaux de mettre une pression sur le président Robert Mugabe, qui est accusé de s'être imposé comme dirigeant aux Zimbabwéens au milieu d'une escalade des violences d'Etat. Le scrutin a été jugé par des observateurs de l'Union africaine, de la Communauté de développement d'Afrique australe et du Parlement panafricain de ne pas être libre et équitable. La décision de Tesco de ne pas rechercher des fournisseurs de produits agricoles du Zimbabwe affectera le plus de petites entreprises privées dans le secteur agricole. La décision de 'Giesecke & Devrient' affectera l'approvisionnement en vivres très nécessaires, en carburant, et autres importations essentielles, a déclaré à IPS, John Robertson, un économiste basé à Harare. "Comme d'habitude, ce sont les consommateurs, non les coupables politiques, qui payeront le plus gros des frais", a-t-il dit. Mais le gouverneur de la Banque centrale du Zimbabwe, Gideon Gono, a cherché à dissiper les inquiétudes dans une interview avec le 'Wall Street Journal', indiquant que la rupture de la fourniture du papier de banque causera des désagréments, mais "il n'y a pas lieu de se suicider. Nous sommes en général préparés pour tout ce qui vient sur notre chemin". On croit que le gouvernement se tournera vers la Chine pour la fourniture de papier.

Malgré la dernière tournure des événements, plusieurs sociétés britanniques continuent de faire des affaires avec le Zimbabwe. D'après les registres des entreprises au bureau des actes notariés à Harare, on peut citer 'Standard Chartered and Barclays Bank', 'British American Tobacco' (BAT), 'British Petroleum' (BP), 'Rio Tinto' et 'Falcon Gold' (Falgold).

Des firmes américaines comme Chevron et Coca-Cola et quelques sociétés minières canadiennes continuent d'opérer au Zimbabwe, bien que leur échelle des affaires ait baissé de façon drastique. Au nombre des sociétés sud-africaines encore en activité au Zimbabwe, figurent 'Anglo American Corporation', qui a des intérêts dans l'agro-industrie et l'exploitation minière; Impala Platinum; Metallon Gold; Standard Bank, dont la filiale zimbabwéenne est Stanbic; et Old Mutual, qui intervient dans l'immobilier et l'assurance. D'autres sont la société de ciment PPC; la société de construction 'Murray et Roberts'; les entreprises de détail 'Truworths and Edcon'; l'entreprise de production du sucre 'Hulett-Tongaat', qui a un intérêt dans les 'Hippo Valley Sugar Estates'; des chaînes d'épicerie 'Spar et Makro', et SAB Miller, qui a un intérêt dans les 'Delta Beverages' du Zimbabwe. Le géant pétrolier 'Royal Dutch Shell' envisagerait de partir du Zimbabwe. La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale du Zimbabwe, est toujours le plus grand investisseur étranger dans le pays, selon une étude réalisée par des analystes de 'Ethical Investment Research Services' basé à Londres. Le fonds d'investissement britannique 'LonZim' a indiqué le mois dernier dans un avis qu'il continuerait de mettre de l'argent dans le Zimbabwe pour financer de nouveaux investissements. Zimplats, appartenant en grande partie à 'Implats South Africa', est également intervenu en apportant des garanties, déclarant qu'il continuera de développer ses actifs miniers de platine au Zimbabwe et de jouer son rôle dans la reconstruction de l'économie pour le bénéfice du peuple. Parmi les Zimbabwéens, il y a un argument selon lequel certaines de ces compagnies sont devenues des prédateurs en ce qu'elles sont préparées à enregistrer des pertes, espérant qu'une fois le règlement politique atteint, elles gagneront. Mais Luxon Zembe, un commentateur économique basé à Harare, a qualifié les démarches des firmes internationales de rompre les relations avec le Zimbabwe de regrettables puisqu'elles ne feront qu'aggraver la situation critique des Zimbabwéens ordinaires. "En ce moment, l'économie opère à environ 10 pour cent de sa capacité. Rompre les relations économiques aura des conséquences négatives puisqu'il entraînera une perte directe des biens et services ainsi que des emplois, et affectera négativement le produit intérieur brut du pays. "La solution à notre crise est purement politique. Les politiciens de ce pays doivent mettre de l'ordre dans cette confusion avant que l'économie ne commence à décoller de nouveau", a déclaré Zembe à IPS.

Il a dit que les politiciens du Zimbabwe ont échoué en n'ayant pas respecté les droits fondamentaux de l'Homme. "Il n'y a aucune entreprise au monde qui puisse investir dans un pays où il n'y a aucun respect des droits des personnes. Tant qu'il n'y aura pas de respect de la vie humaine, notre pays restera dans cette confusion", a ajouté Zembe. John Makumbe, un analyste politique et maître de conférence à l'Université du Zimbabwe, a affirmé que les sociétés avaient raison de quitter. "Les politiciens de la ZANU-PF n'ont pas pu diriger le pays du fait de n'avoir pas assuré la stabilité pour l'économie. A l'heure actuelle, il faut que les politiciens acceptent leurs erreurs. L'humeur de dénégation ne nous aidera pas maintenant", a affirmé Makumbe. Ces dernières années, le produit intérieur brut est tombé pendant que l'inflation monte en flèche. La croissance économique du Zimbabwe était de -4,4 pour cent en 2002, -10,4 pour cent en 2003, -3,2 pour cent en 2004, -4,3 pour cent en 2005, et -4,7 pour cent en 2006, selon les chiffres de 'African Development database' du Fonds monétaire international, publiés le 30 août 2006. Bien que des chiffres officiels de l'Office central de statistiques (CSO) placent l'inflation du pays à 165.000 pour cent, certains analystes croient qu'elle est maintenant bien au-delà de deux millions pour cent. Les salaires ne suivent pas le taux d'inflation. Le troc est devenu de plus en plus fréquent. Beaucoup de commerce se fait sur le marché noir florissant, là où même les produits de base sont maintenant évalués en rand sud-africain ou en dollars US.