COMMERCE-ZIMBABWE: Les APE ''introduisent d'anciennes questions par des moyens détournés''

HARARE, 12 déc (IPS) – Avec une économie chancelant au bord de l'effondrement et une situation politique peu enviable, des organisations de la société civile du Zimbabwe ont toutes les raisons de se préoccuper des conséquences de l'accord intérimaire sur le commerce des biens que leur pays vient de signer dans le cadre de l'Accord de partenariat économique (APE) avec l'Union européenne (UE).

Beaucoup soutiennent que le gouvernement zimbabwéen ne devrait pas accepter l'APE. Bien qu'un accord sur le commerce des biens ait été conclu avec le groupe des pays de l'Afrique orientale et australe (ESA), les négociations sur le reste de l'APE se poursuivront l'année prochaine. Le Zimbabwe fait partie du groupe de l'ESA. "Les négociations n'ont pas été exhaustives sur certaines des questions approuvées. Pour empirer les choses, des pays africains ne négocient pas en tant que bloc parce que l'Europe a réussi à les fragmenter", déclare Andrew Mushita, directeur de la 'Community Technology Development Trust' (CTDT), une organisation non gouvernementale qui s'intéresse aux questions liées au commerce et à la technologie.

"Ils sortiront simplement de ces APE plus mal lotis".

Mushita estime que le Zimbabwe "ne peut pas faire concurrence à l'UE sur un pied d'égalité à cause de notre situation économique". Il est également préoccupé par le fait que le nouvel arrangement des configurations régionales a affaibli davantage la position des pays africains.

D'autres organisations se sont également exprimées, disant que l'UE sortira comme la plus grande gagnante. Ce sera de la folie pour des pays comme le Zimbabwe avec une économie qui chancelle d'espérer une "manne providentielle" arriver via les APE. "Le Zimbabwe est juste comme tout autre pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe ou d’un regroupement de l'Afrique orientale et australe. Il n'est pas prêt pour signer un APE. Ouvrir nos marchés à l'état actuel ne conduira davantage qu'à l'exploitation de nos matières premières", a déclaré à IPS, Joy Mabenge, directeur exécutif de la Coalition du Zimbabwe sur la dette et le développement. Les APE sont un programme pour créer une zone de libre-échange (FTA) entre l'UE et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ils constituent une réponse à la critique persistante selon laquelle les accords commerciaux préférentiels non réciproques et différentiels offerts par l'UE à ses anciennes colonies, conformément à l'Accord de Cotonou, sont incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les APE ont rencontré la résistance des organisations de la société civile et de certains gouvernements en Afrique, qui les considèrent comme une manière de libéraliser les secteurs des services et de l'investissement des pays ACP. "Les économies africaines ne seront pas renforcées par la signature des APE. C'est choquant que plusieurs pays africains se précipitent pour signer les APE quand ils ne comprennent pas réellement ce qu'ils signifient. C'est introduire d'anciennes questions par des moyens détournés", a indiqué Mabenge à IPS.

Mabenge affirme que le Zimbabwe a besoin de plus de temps pour résoudre ses problèmes économiques avant qu'il ne puisse prendre d'engagements comme les APE. L'UE est seulement intéressée par les matières premières africaines, qu’elle retournera à l'Afrique sous forme de produits transformés à des prix exorbitants. L'Afrique devra encore renforcer ses économies et ses bases industrielles. "Amenons nos économies à fonctionner. Ensuite, nous serons capables de faire concurrence à l'Europe sur un pied d'égalité. Cette question est en train d'être abordée d'un point de vue simpliste", soutient Mabenge.

Plusieurs analystes zimbabwéens estiment que les problèmes économiques actuels empêcheront davantage les Zimbabwéens de bénéficier des APE. Plusieurs entreprises zimbabwéennes sont confrontées à la faillite à cause des politiques populistes du gouvernement, qui ont entraîné des pénuries de devises pour se procurer des pièces détachées industrielles essentielles. Le taux d'inflation du Zimbabwe est de 7.800 pour cent. Ces problèmes, affirment des analystes, mettent les entreprises zimbabwéennes dans l'impossibilité de faire concurrence sur le marché de l'UE. Un secteur tel que l'agriculture, qui a connu une baisse rapide de prospérité depuis 2000 après l'introduction du programme de "réforme agraire" du gouvernement, sera obligé de faire concurrence aux produits agricoles subventionnés venant de l'Europe. De la même manière, le secteur industriel accablé de problèmes devra faire face à une invasion de produits européens.

Lors d'une réunion du comité électoral récemment, le parlement zimbabwéen a appris que les APE prendront certains des marchés garantis du pays. Une organisation a adopté une position différente sur les APE. Le Centre de commerce et des études de développement basé à Harare, la capitale zimbabwéenne, fait la recherche et l'analyse des politiques, mettant l'accent particulièrement sur l'interrelation entre le commerce et le développement, l'aide et le développement, la réduction de la pauvreté et le bien-être. "Ces APE ne viennent pas du néant. Ils sont le résultat d'une élaboration progressive à travers plusieurs conventions. Il n'y a rien de mal avec l'APE. Le problème réside dans sa mise en œuvre. Il peut favoriser la croissance ou avoir l'effet contraire", a déclaré à IPS, Masiiwa Rusare, directeur du Centre de commerce et des études de développement. "Nous devrions avoir un œil attentif sur ce qui se passe. Ce dont on a besoin est d'encourager le gouvernement à diversifier ses partenaires commerciaux et à créer plus d'options". Mais Rusare reconnaît que, eu égard à l'accessibilité du marché et à l'agriculture, assurer que l'accord d'APE fonctionnera équitablement sera un travail herculéen. "C'est comme mettre un non-boxeur sur le ring avec (le champion de boxe) Mike Tyson. Les résultats sont évidents", ajoute Masiiwa.