DROITS-ZIMBABWE: Des activistes contrecarrés – mais non découragés

HARARE, 9 nov (IPS) – Des activistes qui sont contre la peine de mort au Zimbabwe continuent leur campagne, en dépit d'une répression policière contre leurs réunions et les longues files d'attente de la nourriture, les coupures d'électricité et l'augmentation persistante des prix de plusieurs produits de première nécessité.

"Il est actuellement très difficile d'obtenir l'autorisation de la police pour organiser des rencontres. Tout ce que nous essayons de faire pour mettre les gens ensemble est perçu par la police comme un événement politique", a déclaré à IPS John Chinamurungu, président de Amnesty International au Zimbabwe. "Il est très difficile de poursuivre les campagnes". Amnesty et l'Association du Zimbabwe pour la prévention du crime et la réinsertion des délinquants (Zacro) coopèrent étroitement pour rallier le soutien du public à l'abolition de la peine de mort et obtenir que la question soit sur l'agenda politique national. Le nouvel engagement de Zacro fait suite à un article d'opinion d'un responsable de l'organisation dans le quotidien appartenant à l'Etat, 'The Herald', en janvier dernier. Ceci a annoncé l'ouverture de la campagne de Zacro soigneusement préparée d'avance, dont les détails ont été ensuite exposés à IPS par Edson Chiota, coordonnateur national de l'organisation. Le plan consistait à transmettre le message de l'abolition aux 13 millions de citoyens zimbabwéens avec l'impression et la distribution de millions d'affiches et de pamphlets. Mais la campagne a été touchée par la vitesse et l'ampleur de l'évolution de la crise économique. En janvier, le taux d'inflation officiel d'année en année était de 1.600 pour cent. En septembre, il a atteint 7.982,1 pour cent, selon l'Office central des statistiques du gouvernement. Officieusement, ce taux approcherait 25.000 pour cent. Le papier et le carburant, essentiels pour une campagne nationale, sont presque impossibles à obtenir. Le combat pour survivre au jour le jour passe maintenant avant tout dans les esprits des personnes. Dans la capitale Harare, des files d'attente de longues heures à la recherche du pain sont normales. Au début de ce mois, le ministère de l'Agriculture a annoncé que la récolte du blé faisait les deux tiers de ce qui était attendu. Quelque temps après, le prix officiel du pain a augmenté de 300 pour cent. "Il y a des millions de Zimbabwéens qui ont besoin d'aide alimentaire", a déclaré en août Richard Lee du Programme alimentaire mondial des Nations Unies. On a estimé ensuite que quelque 3,3 millions auraient besoin de l'aide de l'agence pour survivre pendant les mois à venir. Les autorités ont réagi à toute protestation ou manifestation publique de désaccord en faisant intervenir précipitamment les unités anti-émeutes, créant une atmosphère de peur et d'intimidation. Mais malgré l'évolution de la catastrophe, Amnesty et Zacro ont refusé de se laisser intimider pour interrompre leurs ateliers de sensibilisation sur la peine de mort. Francis Mweene, vice-président local de Amnesty, a été un participant important, ayant survécu au couloir de la mort. Il a été condamné à mort en Rhodésie dirigée par les Blancs, le nom que portait le Zimbabwe avant son accession à l'indépendance en 1980.

"C'était une grande surprise pour moi de me voir capable de vivre encore… C'était parce que Amnesty Zimbabwe a milité pour mon droit à la vie", a-t-il indiqué à IPS, se rappelant comment les contacts de l'organisation internationale ont aidé à le retirer des mâchoires de la mort. C'est à travers des témoignages que je pense que les personnes peuvent être sensibilisées et comprendre pourquoi nous militons contre (la) (sentence) de mort". Visiblement, le fait que Mweene dirige les témoignages fait que les autorités ont de difficultés à intervenir et à interdire de telles rencontres. Le président zimbabwéen, Robert Mugabe, a mené une guerre de libération contre Ian Smith et aurait certainement fini dans le couloir de la mort comme Mweene s'il avait été capturé. Parallèlement à ces réunions, Amnesty est en train de fabriquer des T-shirts ornés de slogans hostiles à la peine de mort.

En juillet, Zacro a essayé de persuader les chefs traditionnels dans le Conseil des chefs de soutenir sa campagne contre la peine de mort. Les chefs tenaient leur réunion annuelle à Harare et dans le nord de la station des Chutes de Victoria. Mais des politiciens ne voulaient pas que cela se passe. Ils sont intervenus pour empêcher que la question de la peine de mort soit inscrite à la réunion, selon des sources.

"Nous espérions commencer avec les chefs et les utiliser comme force pour amener cette question à la Chambre des députés et demander finalement une audience auprès du chef de l'Etat", a déclaré Chakanyuka à IPS. Les chefs auraient pu soulever la question au parlement, où ils siègent par nomination.

Le fait que Zocra focalise son attention sur les chefs cadrait avec l'idée initiale de la campagne, qui soutenait que la peine de mort était "étrangère et contraire aux concepts africains traditionnels de la justice et des croyances".

La rencontre a également montré que les avis des chefs soutenus officiellement étaient partagés sur la question de la peine de mort. "On doit vous condamner conformément à votre crime. Si vous tuez délibérément, vous devriez aussi être tué", a affirmé Chef Makoni à la réunion, selon un reportage en son temps dans le journal privé 'Financial Gazette'. On a estimé que les chefs auraient pu être moins enthousiastes à l'idée de s'associer à une telle question controversée et de la soumettre à Mugabe, par peur de perdre leurs privilèges. Ils sont fondamentalement sur le registre du personnel du gouvernement. "Avec les élections qui viennent, nous n'avons aucune possibilité de parler de nouveau aux chefs jusqu'à ce qu'elles soient terminées", a dit Chakanyuka, déçu. Les élections — présidentielles, législatives et municipales — doivent se tenir dans six mois.

Zacro envisage actuellement de faire circuler une pétition à l'échelle nationale appelant à l'abolition de la peine de mort. "Nous voulons soumettre une pétition au président Mugabe puisqu'il est l'homme qui a été investi de tous les pouvoirs pour décider si quelqu'un devait être envoyé à la potence ou non", a ajouté Chakanyuka. Mugabe a résisté à tous les appels à l'abolition de la peine de mort, qui remonte à la période coloniale; après ses 27 ans de règne, il est peu probable qu'il change maintenant sa position, au crépuscule de son régime assiégé. Mais en faisant campagne sur cette question maintenant et en associant le maintien de la peine capitale plus étroitement à son nom, on peut espérer que l'une des premières mesures à prendre par ses successeurs sera l'abolition de la peine de mort. Zacro espère également que sa campagne suscitera l'intérêt du public dans les autres réformes judiciaires.

La dernière exécution au Zimbabwe a été effectuée en 2004. Depuis 1999, sept personnes ont été exécutées par pendaison, selon Zacro.